mercredi 14 novembre 2012

Le secret du Nutella


Le Nutella, un produit pas comme les autres. La commission des affaires sociales du Sénat a adopté, mercredi 7 novembre, un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qui vise à augmenter de 300 % la taxe sur l'huile de palme, un des composants majeurs de cette célèbre pâte à tartinerau chocolat et aux noisettes. Prise au nom de la protection de la santé et de la lutte contre l'obésité, cette décision a suscité d'innombrables commentaires, signe que le Nutella ne laisse personne indifférent. Revue de tous ces petits faits qui alimentent les conversations.

  • La France, championne du monde de la consommation du Nutella
Quelque 0,86 % de la population mondiale, mais 26 % de la consommation mondiale de Nutella : bien que la marque soit italienne, les Français adorent la pâte à tartiner. Quelque 75 000 tonnes de Nutella sont consommées chaque année dans l'Hexagone. Suivent ensuite les Allemands avec environ 70 000 tonnes par an, puis les Italiens avec plus de 50 000 tonnes.
  • Une canicule à l'origine du Nutella
Ancêtre du Nutella, le Giandujot de Ferrero
Le Nutella était à l'origine un bloc de chocolat, le Giandujot, concocté depuis les années 1920 par Pietro Ferrero, un pâtissier d'Alba, une petite ville du nord de l'Italie – où est toujours situé le siège du groupe Ferrero aujourd'hui. En 1946, les pénuries post-seconde guerre mondiale obligent Pietro Ferrero et son frère Giovanni à remplacer la plupart du cacao par des noisettes, très présentes dans la région. Mais cela reste alors une pâte dure, à couper.
Tout change en 1949. Selon la légende, une canicule aurait fait fondre le pain de chocolat. Qu'importe pour les enfants albesi : ils étalent la pâte ramollie sur du pain et dégustent le tout pour leur goûter. Les frères Ferrero adoptent alors l'idée et transforment leur pain de chocolat en pâte à tartiner, qui rencontre rapidement un immense succès. Le Giandujot sera rebaptisé "Supercrema" en 1951.
Le Giandujot a été renommé "Supercrema" en 1951.
  • "La Tartinoise", premier nom français du Nutella
C'est en 1959 que le groupe Ferrero installe une usine à Villers-Ecalles, près de Rouen (Seine-Maritime). Pourquoi ce lieu ? Parce que l'emplacement choisi est une ancienne filature, et que "les ouvriers du textile disposaient d'un savoir-faire transposable à la chocolaterie", selon Jean Watin-Augouard, historien des marques et auteur de "Nutella, 3 syllabes pour un mythe" dans La Revue des marques.
L'usine produit tout d'abord des chocolats Mon Chéri, mais se lance en 1961 dans la fabrication de l'équivalent français de la Supercrema, baptisé "La Tartinoise".
L'ancêtre français du Nutella était "La Tartinoise", jusqu'en 1964.
  • Le nom "Nutella" pour rappeler les noisettes
En 1964, le groupe Ferrero estime insatisfaisant le nom "Supercrema". La nouvelle appellation devra rappeler les noisettes, "nuss" en allemand, "nut" en anglais. "On pense alors à des noms tels que Nutsy, Nutina, Nussina et Nusscrem", raconte Jean Watin-Augouard. Ce sera finalement Nutella.
  • Une histoire de famille
Pietro et Giovanni Ferrero ont dirigé le groupe jusqu'à la mort de Pietro (à droite), en août 2011. Ici en juillet 2010 à Rome.
Le groupe Ferrero, qui a bâti sa fortune et sa notoriété sur le Nutella, est encore aujourd'hui dirigé par un membre de la famille éponyme. A la mort de Pietro Ferrero d'un infarctus en 1949, son frère Giovanni dirige l'entreprise et est assisté, au début des années 1950, par son fils Michele. Ce dernier reprend les rênes du groupe en 1957, à la mort de Giovanni Ferrero, lui aussi d'un infarctus.
Michele Ferrero dirige la société jusqu'en 1997, année où il confie l'entreprise à ses fils... Pietro et Giovanni. Avec la mort accidentelle de Pietro en Afrique du Suden 2011, Giovanni Ferrero dirige désormais seul le groupe.
  • Le sucre et l'huile de palme, ingrédients majeurs
Le complexe processus de fabrication reste secret, mais les ingrédients du Nutella sont tous connus, contrairement à une idée largement répandue. Dans un article publié en août 2011Le Point la détaille :
"D'abord les noisettes, broyées jusqu'à obtenir une pâte, le manteca. Ajoutez huile de palme, cacao, lait écrémé en poudre, lactosérum, sucre, vanille, et mixez le tout pour obtenir de la 'farine de Nutella'. Encore de l'huile de palme et une pincée de lécithine de soja. Laissez reposer trois jours. Servez à température ambiante sur du pain."
Si la pâte à tartiner est décrite comme "au chocolat et aux noisettes", en proportion, c'est l'huile de palme (17 %) et surtout le sucre (55 %) qui en sont les ingrédients majeurs. Les noisettes ne représentent que 13 % de la composition, le cacao 7,4 %, selon la fiche nutritionnelle disponible sur le site de Ferrero.
Fabrication d'huile de palme dans une usine de Medan, en Indonésie.
L'huile de palme, la moins chère et plébiscitée dans l'industrie agro-alimentaire, est utilisée, selon Jean Watin-Augouard, "pour faciliter le processus de fabrication". "C'est une raison technique, ça rend le produit un peu plus doux",explique l'historien des marques. Et Ferrero a réaffirmé qu'il ne changerait pas sa recette. Mais la date de l'introduction de l'huile de palme dans ladite recette, elle, reste inconnue.
L'huile de palme est très décriée pour son impact environnemental désastreux et parce qu'elle contient 50 % d'acides gras saturés, ce qui augmente drastiquement les risques de cholestérol et cardio-vasculaires. Ce taux d'acides gras saturés est important, mais toutefois moins que dans le beurre, par exemple, qui "en contient 65 %", tempère Jean-Michel Lecerf, chef du service nutrition de l'Institut Pasteur de Lille, interrogé par Libération. "On ne peut pas dire que l'huile de palme soit dangereuse en tant que telle pour la santé, mais comme tout aliment, il ne faut pas en abuser", ajoute-t-il. Ce qui est également le message de Ferrero. Le Nutella représente 530 kilocalories pour 100 grammes, contre 300 kilocalories pour la même quantité d'un cheeseburger de McDonald's, par exemple.
  • Une recette spécifique en Allemagne
Le Nutella a une consistance plus solide et plus riche en cacao en Allemagne, où il est en général consommé sur du pain plus dur. La pâte à tartiner Ferrero est en revanche plus onctueuse en France, en Italie et dans le reste du monde.
Si le Nutella est largement une marque mondiale, avec une présence dans 200 pays, quelques marchés lui résistent encore. Les Etats-Unis, où le Nutella est arrivé tardivement (1983), sont encore le royaume du peanut butter, le sacro-saint beurre de cacahuètes. Les ventes sont quasi-inexistantes en Chine pour une raison simple : "Les Chinois consomment très peu de pain", rappelle Jean Watin-Augouard.
  • Le pot a levé l'encre
La forme très particulière du pot de Nutella (hors verres à collectionner), apparue en 1965, est appelée "Pelikan". Il s'agit d'une référence à l'encrier des stylos plume de la société allemande du même nom.
Un encrier Pelikan, en 2012.
  • Le 5 février, Journée mondiale du Nutella
"Le Nutella est plus qu'une tartine de noisette chocolatée, c'est un mode de vie."Slogan du groupe Ferrero ? Non, affirmation de consommateurs fanatiques de la pâte à tartiner, qui ont lancé en 2007 la Journée mondiale du Nutella. La date a été fixée au 5 février. Selon Le Point, les communicants de Ferrero, eux, auraient préféré le 2 février, jour de la Chandeleur...
  • "Le" ou "la" Nutella ?
Un vieux et essentiel débat entre fanatiques de la célèbre pâte à tartiner"On dit LE Nutella en France, LA Nutella en Italie", assure Jean Watin-Augouard, tandis que d'autres prônent l'utilisation du féminin pour "LA pâte à tartiner", bien que l'usage masculin soit plus répandu.
Si, sur son site Internet, Ferrero se garde bien de prendre position et n'utilise aucun article ("Produit mythique à la recette inégalée, Nutella accompagne les petits déjeuners et goûters"), les publicités télévisées mentionnent régulièrement"du Nutella" et non "de la Nutella". Dont acte.
Le compteur de la consommation de Nutella dans le monde: réalisé par Globometer.com 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire